LE FOOTBALL IVOIRIEN EST EN DEUIL: Carlos Gustavo Joël est décédé
Il avait 1,90m pour 93 kg. A 48 ans, Carlos Gustavo Joël, en bon sportif, présentait un visage reluisant. Mais, sa forme n'a pas suffit pour terrasser la mort, lors d'un match épique entamé depuis quelques semaines (il était malade) et achevé dans la nuit d'hier. Carlos a encaissé le but fatal et s’en est allé dans l’eau de là. Tel Didier Drogba manque son pénalty lors des tirs au but de la finale de la can 2012, Gustavo a répandu le deuil partout en Côte d'Ivoire et dans le monde. De Rio de Janero où il débuté sa carrière de footballeur au Vasco de Gama en 1978 à Moussikro de Yopougon la commune où il vit depuis des décennies, en passant par le Burkina où il a démarré sa carrière d'entraineur , en Angleterre, France, Belgique, Norvège, Qatar, Turquie, Slovaquie, Hollande, Allemagne, Italie..., où évoluent les joueurs qu'il a formé, Carlos fait soufflé un vent de deuil depuis ce matin. L'adjoint de Jean-Marc Guillou, formateur des Académiciens de l'Asec et auteur des surnoms aux connotations brésiliennes (il avait du mal à prononcer les noms ivoiriens) a quité le monde des vivants. Incroyable mais vrai. Il était si costaud et jovial. La vie, il l’aimait. Le foot était sa raison de vivre. Le Brésilien, champion du monde junior 1983, est arrivé en Côte d’Ivoire en 1994 après la Can. Il était auparavant au Burkina aux côtés de son compatriote Carlos Bajos, sélectionneur des Etalons, lors des éliminatoires de la Can 1992. C’est le sacre des Eléphants lors de la Can 1992 qui l’a séduit et convaincu de fouler le sol ivoirien. Il admirait particulièrement Ben Badi. C’est à l’AS Oumé qu’il pose ses valises comme coach. Une seule saison et il fait la connaissance de Jean-Marc Guillou. Les deux hommes font le pari de former les futures stars du football ivoirien. Avec l’Asec, le projet voit le jour et en février 1999, le monde découvre le fruit du travail abattu par les deux techniciens avec les Académiciens qui terrassent l’Espérance Sportive de Tunis en finale de la Super coupe africaine : le football champagne made in Brésil au parfum français inculqué par Guillou. Qui n’a pas chanter aux rythmes endiablés des dribles déroutants de Aruna Dindané , Zézéto, les caviars de Péhé Joss, Junior, les tacles rassurants de Maestro, …..Les Académiciens ont donné au football ivoirien une nouvelle âme. Bref…….
Quand Jean-Marc Guillou et Roger Ouégnin entrent dans une polémique, il se retire et s’engage avec Abdélaziz Alibahi. Leur mariage donne Ivoire Académie. En allant à la Terre Promise (surnom du centre), Carlors part avec des jeunes comme Gervinho, Eboue, Boka, Kafoumba, Né Arsène et autres Yaya Touré. La première vague des joueurs d’Ivoire Académie a donné des noms comme Diomandé Vamouti et Beugré Bossé. Aujourd’hui, ce sont Diarrasouba Drissa, Ahoulou Jean Eudes qui font la fierté de Alibahi et de son coach et frère Carlos. La symphonie est belle mais, depuis ce matin, le maître de chœur est parti et assurément que les notes ne seront plus les mêmes.
Carlos est parti mais, il n’est pas loin. Il est là dans les stades. Car, le sage dit : le smorts ne sont pas morts. Ils sont dans le vent. Ils sont dans le fleuve. Alors, Gustavo est là. Il est visible à travers Copa, Badjan, Chico, Maestro, Kolo, Yaya, Madinho, Junior, Joss, Aruna, Zézéto, Tony, Bagrita, Romaric, Diabis,Gyapi,, Né Arsène, Né Marco, Lolo Igor, Banga, Secreto,Madinho, Patceco, Charlton, Kanda, Baky,………..
Interview rélisée en mars 2011 paru dans le quotidien ivoirien LE SPORT
« Je me suis donné pour mission de former les futures stars ivoirienne »
C’est aux côtés de Jean Marc dont il était l’adjoint que les sportifs ivoiriens l’ont découvert. De Sol Béni (Asec) à Terre Promise (Ivoire Académie) où il vit maintenant, Joël Carlos Gustavo vit sa passion : la formation.
Pourquoi avoir quitté l’Académie Mimosifcom qui vous a révélé au public ivoirien ?
J’ai quitté l’Asec après le divorce entre Jean Marc Guillou et Roger Ouégnin. J’ai pris partie pour Guillou, et donc je ne pouvais plus rester à l’Académie. Il faut rappeler que C’est lui qui m’a fait venir à l’Asec. C’est quand il a décidé de quitter la Côte d’Ivoire que je suis vu obligé de le laisser tomber. Parce que tout simplement, j’ai fait le serment, en quittant mon Brésil natal, de former uniquement pour la Côte d’Ivoire qui est devenue mon pays. Comment expliquez-vous le divorce entre Guillou et Roger ? Qu’est ce qui peut séparer deux amis. Si ce n’est l’argent, c’est la femme. En ce qui concerne Roger et Guillou, c’est l’argent qui les a séparés. Après les premiers transferts, ils ne se sont pas entendus sur le partage du « butin ». Au départ de l’Académie, le contrat signé entre Guillou et Roger stipulait que pour tout transfert, Guillou percevrait 75% et 25% pour l’Asec. Maintenant, après le premier transfert (Maestro et Aruna), Roger a exigé 50%. Ce que Guillou a refusé. C’est de là qu’est partie la guerre. Nous avons tous déploré cela, car, Guillou s’est beaucoup investi dans ce projet. Il a même vendu sa maison à Nice en 1997 afin d’avoir les moyens pour encadrer les enfants. Bref…aujourd’hui tout ça, c’est du passé. Pour revenir à vous, qu’est ce qui vous motive tant à former les enfants ? Est-ce l’argent ? Oh non ! Seule la passion me pousse à continuer de former. Je suis un professionnel. Et je me suis fais le pari de former des futures stars du foot ivoirien. Je veux participer à l’émulation de nouvelles stars ivoirienne, telle est ma motivation principale. Aujourd’hui quel regard jetez-vous sur l’Asec Mimosas ? L’Asec Mimosas est l’équipe qui fait plus de recrutement dans l’année. En début de saison comme au mercato, l’Asec renforce son effectif par des joueurs des autres clubs. Ce qui veut dire qu’ils n’ont pas de relève en interne. C’était justement la mission de Mimosifcom : former des jeunes joueurs qui feront leurs armes à l’Asec avant de partir en professionnel. Hélas ! Quels sont vos rapports avec les joueurs que vous avez formés ? Oh ! J’ai peu de rapports avec eux. Vous savez, ils sont tous des stars du football international. Donc, quand ils arrivent, ils ne peuvent pas venir me voir dans mon quartier à Yopougon (rire). D’ailleurs, leurs parents même ne les voient pas, ce n’est donc pas moi qui dois me plaindre. De plus, mes nombreux voyages m’empêchent de les rencontrer. Le plus important, c’est qu’ils m’aiment et moi aussi je les aime. Comment appréciez-vous leur prestation actuelle? Je suis très heureux de leur prestation. Tous, ont de bons parcours en clubs. Mais, sachez qu’ils ne peuvent tous pas avoir tout de même le même niveau de réussite. C’est impossible. Ils ont tous le talent, c’est indéniable. Mais, le succès au foot est la combinaison de plusieurs autres aspects, psychologique, familial, environnemental, spirituel etc. Et, le divorce entre Guillou et Roger a eu des mauvaises répercussions sur certains joueurs. Mais Dieu merci, ils sont tous des professionnels et font la fierté du pays. Ils sont dans toutes les sélections nationales (cadet, junior, senior, olympique et même le Chan). Le plaisir, la joie et la fierté qu’ils me procurent constituent ma richesse. A travers chaque joueur, je vois son histoire et je réalise le travail que nous avons abattu depuis 1994-1995 à Sol Béni. Que pensez-vous de ceux qu’on appelle les gâchis de Mimosifcom ? Non. Personne n’est un gâchis. Tous mes enfants sont dans les clubs d’Europe et du Golfe. Tous, sont professionnels. Ils vivent du football et font notre fierté à tous. Ce sont des chefs de familles aujourd’hui. Je suis fier de voir ces gamins de 8à11ans devenir des responsables. Et surtout, le fait de vivre de leur passion pour laquelle ils ont été formés me réjouit doublement. Guillou avait prédit que « dans quelques années, les Académiciens feront la fierté du pays. Ils remporteront une CAN et qualifieront la Côte d’Ivoire pour le Mondial… Avec eux, il suffit seulement de trois jours de regroupement pour qu’ils retrouvent leur marque et fasse des merveilles…». Un commentaire sur ces propos de Guillou ? Vous savez, Guillou est un prophète du football. Ce qu’il a dit hier, s’est en partie réalisé aujourd’hui. En tant que son disciple, j’en suis fier. Seulement, vous devez comprendre que quand il dit qu’il leur faut 3 jours seulement pour retrouver leur marque, c’est avec leur coach formateur. C’est-à-dire lui ou moi ou nous deux. L’Académie est une philosophie de jeu. Et seuls nous, avons les clefs de ce jeu. Tant que les entraîneurs des équipes nationales n’auront pas la clef de cette philosophie, les enfants ne seront pas efficaces. Ils ne pourront rien remporter. Regardez un peu le parcours des Eléphants, on constate que leur succès est dû aux talents individuels des joueurs. Ce qui n’est pas bon pour une équipe qui veut gagner. Une équipe, c’est d’abord le collectif. Ensuite, vient les individualités. C’est le collectif qui revèle les individualités. Mais avec les Eléphants, c’est le contraire. Regardez dans le monde, vous avez des milliers de clubs, mais seuls quelques uns ont la philosophie de jeu que nous avons inculqué à nos enfants à l’Académie. Barcelone et Arsenal en sont des illustrations. A vous entendre, les Eléphants actuels composés à majorité d’Académiciens ne pourront rien remporter ? Oui. Hélas ! Je suis désolé de le dire, mais, je ne crois pas que cette belle génération pourra remporter une CAN avant la fin de sa carrière. C’est la réalité du sport. Toutefois, je crois en elle. Je connais la force de chacun. Je sais de quoi ils sont capables, mais tant que celui qui les coache ne comprend rien dans leur culture de jeu, ils nous laisseront toujours sur notre faim. Une CAN serait une belle récompense pour ces joueurs doués. Aujourd’hui, vous collaborez avec M. Abdulaziz Alibhai, le président d’Ivoire Académie. Comment s’est fait votre rencontre ? C’est à Mami Fitini que l’ancienne épouse de Guillou me la présenté. Tout a commencé en 2003. Nous avons discuté et avons décidé de faire un rêve commun, la suite de ce que j’ai abandonné à Mimosifcom. Alibhai est un grand homme tout aussi passionné que déterminé. Il a mis les moyens pour réaliser ce centre qui s’impose petit à petit. Nous avons débuté la formation avec la 2è et 3è génération de Mimosifcom avec lesquelles je suis venu. Gervinho, Eboue, Boka, Kafoumba, Né Arsène et autres Yaya Touré ont achevé leur formation ici, à Ivoire Académie, avant de partir en professionnel. Après eux, vous avez la première génération 100% Ivoire Académie avec Diomandé Vamouti et Beugré Bossé qui sont en Norvège. Actuellement, je suis avec la deuxième, composée de talents tels Eudinho et Adriano qui étaient à la CAN cadet au Rwanda. Nous avons plusieurs autres qui sont prêtés à certains clubs de Ligue 1. Le travail de base continue pour asseoir une pépinière de talents. Cette saison, nous serons engagés en D3. Comment jugez-vous le niveau actuel du football national ? Le niveau est bas. Ce n’est plus la belle époque des Ben Badi, Sekou Bamba qui m’a fait aimer le football ivoirien. Après eux, nous sommes arrivés avec les Académiciens qui pratiquaient un football merveilleux. Aujourd’hui, il n’ya plus personne au stade. Normal ! Que verront-ils comme spectacle au terrain ? Rien. Après une saison, les joueurs veulent tous partir en Europe. Mais, il ne faut pas leur en vouloir. Plus rien ici ne peut les retenir. Seulement, qu’ils fassent attention, là bas, c’est le haut niveau, on ne va pas pour échouer. Il faut donc faire ses armes ici en champions d’abord. Mais ils sont tous pressés. Quand ils vous abordent, c’est pour vous demander de les faire partir en Europe. Je leur demande d’être patient et qu’ils travaillent. C’est uniquement leur travail qui les ferra partir hors du pays. Je souhaite que la Fif impose les centres de formations comme équipes engagées dans les compétitions de 3è division, Ligue 2 et division d’honneur. Cela permettra aux jeunes de faire leurs armes. Et une fois en Ligue 1, non seulement, ils seront prêts à partir en professionnel, mais, aguerris, ils élèveront le niveau de jeu. Avec la crise qui ne finit pas, il n’y a plus d’investissements au foot. Votre mot de fin Je salue les sportifs ivoiriens. Je souhaite le retour de la paix, qui est notre religion. Je demande aux responsables et encadreurs des équipes de travailler de sorte à retrouver le football comme on l’aime. Quant à moi, Je continue la formation des jeunes pour donner à notre pays les futures stars du football. Interview réalisée à Ivoire Académie par Jean-Michel Méa
UNE VIE DE FOOT ! C’est à Vasco de Gama dans la célèbre ville de Rio de Janeiro que Joël Carlos Gustavo a débute sa carrière de footballeur en 1978. Après deux ans, ce colosse milieu de terrain, après avoir fait ses preuves, atterrit à Grande Do Norte, dans le nord du Brésil, son pays natal. Son effort est récompensé par sa sélection en équipe nationale junior avec laquelle il joue et gagne la Coupe du monde en 1983, au Mexique. Champion du monde, Carlos arrive en équipe première à Minas Geras où il passe 7 saisons, de 1983 à 1990. En 1992, il est aux côtés de son compatriote Carlos Bajos à la tête de la sélection des Etalons du Burkina Faso pour les éliminatoires de la CAN 1992. Il tombe amoureux du jeu des ivoiriens qui sont sacrés champions d’Afrique. Ben Badi, l’a particulièrement marqué. En 1994, il foule le sol éburnéen. Et c’est l’AS Oumé qui l’accueille. Après une saison passée sur le banc d’Oumé pour le championnat national, Carlos rejoint Guillou avec qui il fait le pari de former les futures stars du football ivoirien. Ensemble, les deux amoureux montent Mimosifcom. Aujourd’hui, à 47 ans, après le divorce de Guillou et Roger Ouégnin, qui a vu la fin de Mimosifcom, ce gigantesque coach de 1,90m, continue sa passion : former. Cette fois, à Ivoire Académie avec Alibahai. Jean-Michel Méa Le Sport n0 2386
17 mars 2011